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Biocoop Scarabée : qui a dit « gros » ?

façade magasin Biocoop Scarabée Rennescleunay

Question qui revient, légitimement, alors que notre coopérative compte déjà 9 magasins et prévoit d’en ouvrir 4 nouveaux cette année : Biocoop Scarabée devient-il trop gros ? Notre enseigne prend elle une place hégémonique à Rennes ? Il nous semblait important d’évoquer le sujet avec vous, client.e.s, sociétaires. Entretien avec Isabelle Baur, présidente du Directoire, et coordinatrice des projets de Développement, qui détricote quelques idées reçues sur ce « gros », et nous parle de la ligne de la coopérative sur ce sujet.

Notre coopérative prévoit l’ouverture de 4 nouveaux magasins cette année. Dans un contexte COVID plutôt morose, qui nous a obligé à suspendre l’activité des restaurants, avant qu’ils rouvrent début février en vente à emporter : a-t-on réellement les moyens de notre développement ?

Une coopérative, par définition, ne fait pas beaucoup de résultat. Nos partenaires bancaires nous font confiance sur notre développement. Le dernier magasin ouvert, à Jacques Cartier, était rentable au bout d’environ un an. Les magasins de cette dimension ne sont pas des outils qui pèsent lourd sur la coopérative ; ce sont des structures légères, rapidement rentables.
Malgré le contexte sanitaire, on a décidé de continuer à se développer, et spécialement à travers ce type de petits magasins de proximité. Car la crise du COVID nous a confirmé ce qu’on pensait depuis longtemps : que les consommateurs voulaient des magasins à dimension humaine, et proches de chez eux.

Notre coopérative ne devient-elle pas trop grosse, en multipliant les ouvertures de nouveaux magasins ?

La surface totale de tous les magasins Biocoop Scarabée existant à ce jour est de 3500 m2. Notre plus gros magasin, celui de Saint-Grégoire, a environ la même surface que le « petit » U express de la place Hoche, soient 700 m2. La surface totale de nos magasins est équivalente à la surface du Super U de la rue de Nantes (3200 m2)… et représente moins des 2/3 de la surface de l’Intermarché hyper des Longs-champs.
Par contre, la totalité de nos magasins représente la création d’environ 200 emplois. Très au-dessus du nombre d’emplois créés sur une surface identique dans la grande distribution. Un magasin Biocoop emploie jusqu’à 2 fois plus de personnel qu’un hypermarché ou qu’un « discounter », d’après les chiffres dont dispose notre réseau. Et environ 35% de plus qu’un supermarché.

Ne risque-t-on pas d’être dans une position hégémonique ? Et d’empêcher de petits magasins indépendants de s’installer ?

Non, et la ville de Rennes nous le prouve. Il y a un mois, un magasin « Day by Day » s’ouvrait dans la ZI à Saint-Grégoire, ainsi que deux magasins « Mamie mesure ». D’autres enseignes ouvrent, et c’est tant mieux ! Dommage que leur offre se cantonne au « 0 déchet » mais pas à 100% au bio. Nos magasins sont des outils de développement de l’agriculture bio, mais ont aussi pour projet d’amener un maximum de consommateurs à une conscience sociétale, à d’autres modes de consommation. Plus on sera présent, et plus il y aura d’autres initiatives du même type à Rennes, mieux ce sera !
Nous sommes interpellés sur notre développement, mais personne ne se pose la question du développement massif des magasins de quartier ouverts par les grandes enseignes conventionnelles.

Quels types de magasins souhaite ouvrir l’équipe « Développement »»?

On privilégie les petits magasins de proximité. Selon une étude menée par le réseau Biocoop sur les magasins de flux, c’est-à-dire plutôt les grands magasins situés en périphérie (comme nos trois grands magasins de Rennes-Cleunay, Cesson-Sévigné et Saint-Grégoire), 70% de l’impact carbone de ces magasins vient du trajet en voiture de nos clients. Dans un magasin de proximité, au contraire, on y vient à pied, en vélo, en bus, en métro. Pas besoin de parking, ou de petits parkings suffisent.
Autre choix de développement : dans ces magasins de proximité, on souhaite prioriser le vrac, le « 0 déchet », au-delà du local bien sûr ; avec, aussi, une offre de services-arrières comme des rayons boulangerie, fromage à la coupe… Où il y a du contact humain, du conseil, ce qui fait aussi partie de la proximité, pour nous.

L’ouverture de nouveaux magasins permet-elle à de nouveaux producteurs locaux de s’installer ? Dans quelles proportions ?

On ne peut pas dire qu’à elle seule elle permet de nouvelles installations, mais elle les soutient, c’est sûr, en garantissant à de nouveaux producteurs qui s’installent l’assurance d’écouler un volume d’achat. Ce qui a clairement permis à certains d’entre eux d’obtenir un prêt bancaire, par exemple. J’ai été amenée plusieurs fois à écrire des lettres à des banques pour garantir notre collaboration avec un fournisseur local, en annonçant les volumes que l’on s’engageait à lui acheter. Ce qui leur a permis d’obtenir les prêts nécessaires.
Mais on encourage plutôt nos fournisseurs à diversifier leurs circuits de distribution, afin qu’ils gardent une certaine indépendance. Après l’incendie du site de Cesson, certains producteurs ont été vraiment impactés par la fermeture temporaire du magasin ; il faut trouver le juste équilibre pour les soutenir, sans qu’ils dépendent totalement de nous, ce qui donnerait les dérives qui peuvent exister dans le conventionnel.

Les bénéfices réalisés par la coopérative sont-ils vraiment au service du projet ?

Scarabée a toujours eu un résultat très mesuré : 0,50% de notre CA, c’est le plus qu’on ait réalisé.
Depuis l’incendie du site de Cesson, on a eu un résultat négatif l’année même (2018), puis l’année suivante, l’effet de la fermeture temporaire de ce magasin perdurant. En 2020, on aurait dû faire un résultat légèrement positif : c’était sans compter sur la crise sanitaire et la fermeture des restaurants… Nous n’avons donc pas la problématique de savoir comment on va utiliser le résultat ! On a toujours, toujours dit, que l’important pour nous n’était pas de faire du résultat pour faire du résultat, mais pour qu’il soit réinjecté dans le projet. Toute la valeur ajoutée développée par le développement de Scarabée revient soit dans la coopérative, soit au niveau social, soit à l’Etat. Une vraie coopérative n’est pas là pour amasser des résultats financiers, ce n’est pas son objectif. Et le projet de SCIC, s’il est voté, aura la même obligation de remettre la totalité des résultats en fonds propres.

Ce que les banques regardent, lorsqu’on a un projet de développement, c’est le ratio entre notre taux d’endettement et nos fonds propres ; dans lesquels on retrouve toutes les parts sociales acquises par nos sociétaires, et les résultats. Structurellement, les coopératives ont des fonds propres faibles, à la différence des modèles capitalistiques.

Pour nous il est important que co-existent des projets « rentables », qui permettent d’en réaliser d’autres qui ne le sont pas forcément, mais qui ont juste vocation à porter nos valeurs et à les partager avec les Rennais. C’est le cas de nos deux magasins ambulants « Vrac Volant » par exemple, qui sont avant tout des outils de sensibilisation au vrac, au « 0 déchet », au-delà du bio.