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Démocratie alimentaire : reprendre le pouvoir sur nos assiettes

démocratie alimentaire

Alors que la précarité alimentaire ne fait que s’aggraver dans toutes les strates de la population, des jeunes en études aux personnes en retraite, comment fait-on pour reprendre le pouvoir sur notre assiette ? Du droit à l’alimentation à la démocratie alimentaire, il y a un pas, et tout un écosystème rennais à l’œuvre pour l’activer.

 

En 2024, un enfant sur cinq déclare ne pas manger trois repas par jour, la précarité alimentaire touche un tiers des étudiantes et étudiants et les files s’allongent continuellement devant les épiceries sociales. Manger ne devrait pas être une préoccupation. Et pourtant. Les chiffres sont éloquents et la détresse alimentaire un sujet dont on ne peut détourner le regard.
Au-delà de devoir parer à l’urgence alimentaire, de nombreuses initiatives existent pour permettre à toutes et tous d’exercer leur citoyenneté en reprenant le pouvoir sur leur alimentation. D’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, le droit et la justice peuvent se jouer. C’est ce que nous pourrions appeler démocratie alimentaire.

Le droit à l’alimentation

À l’origine, il y a le droit à l’alimentation. Le droit à l’alimentation figure dans le droit international. Introduit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par Paris en 1980, puis en 2004 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, il ne figure pourtant ni dans le bloc constitutionnel ni dans les lois françaises. De fait, le droit à l’alimentation a été délégué par l’État et les politiques publiques aux associations.
Lorsque les Enfoirés chantaient il y a presque quarante ans « Aujourd’hui on n’a plus le droit d’avoir faim… », ils n’imaginaient probablement pas à quel point on a piétiné depuis face à la précarité alimentaire. À Rennes aujourd’hui, les associations de solidarité sont de plus en plus nombreuses qui organisent des maraudes, des distributions, ouvrent des épiceries sociales. La Banque alimentaire de Rennes qui organise la logistique de l’approvisionnement et de la distribution auprès de 76 associations ou collectifs déplore une situation qui ne fait que s’aggraver. 45 000 bénéficiaires de l’aide alimentaire, 2 000 tonnes collectées et distribuées chaque année par la Banque alimentaire : ce sont des données qui montrent à quel point la précarité alimentaire n’est pas anecdotique.

L’aide alimentaire : un modèle en question

L’aide alimentaire fait ce qu’elle peut avec les moyens qu’on lui donne. On pourrait questionner un modèle qui organise la production pour le don alimentaire : l’Europe passe des appels d’offre auxquels répondent des agroindustriels qui produisent spécifiquement pour Les Restaurants du Cœur, La Croix-Rouge, le Secours populaire, la Banque alimentaire et leurs équivalents dans les autres pays européens. Des denrées produites parfois très loin des personnes qui les consommeront. Des denrées pour lesquelles la vigilance est principalement portée sur les apports nutritionnels. On regarde par le petit bout de la lorgnette alimentaire, sans forcément considérer le système dans son ensemble depuis le champ jusqu’à l’assiette.
On pourrait aussi pointer la tentation du « social washing » à laquelle peu d’agroindustriels résistent, qui permet de surproduire pour donner… et défiscaliser, tout en affirmant lutter contre le gaspillage alimentaire et contribuer à la solidarité alimentaire ! Une hypocrite boucle dont nous ne pouvons décemment nous satisfaire.

De l’aide alimentaire à la démocratie alimentaire : reprendre le pouvoir sur nos assiettes

L’aide alimentaire ne peut être à elle seule une solution pour lutter contre la précarité alimentaire. Au-delà de l’urgence, comment reprendre le pouvoir sur notre alimentation ? La mise en œuvre d’outils permettant d’exercer la démocratie alimentaire est une voie que des initiatives citoyennes explorent de multiples manières. Scarabée en est d’ailleurs une illustration éloquente : notre coopérative a été créée il y a plus de quarante ans par quelques dizaines de familles qui aspiraient à choisir leur alimentation et à soutenir une agriculture biologique et paysanne.
L’alimentation n’est pas une question annexe mais un enjeu de justice sociale.
À l’instar de Cœurs Résistants, elles sont nombreuses à estimer que l’alimentation n’est pas une question annexe mais un véritable enjeu de justice sociale. Cantines solidaires, tiers-lieux agricoles, épiceries gratuites, cuisines partagées… chacune contribue à permettre aux citoyennes et citoyens de s’approprier leur alimentation.
Alors nous sommes allés à la rencontre de quelques acteurs et actrices du changement pour mieux comprendre leur vision et surtout leur ambition pour que chacune chacun puisse reprendre le pouvoir sur son alimentation.

Plaidoyer pour une sécurité sociale de l’alimentation

Comment permettre à toutes et tous de manger ET de choisir son alimentation ? La sécurité sociale de l’alimentation est une proposition qui commence à faire son chemin. Sur le même modèle que la sécurité sociale avec sa carte vitale, l’idée est de cotiser chacun·e à la hauteur de nos moyens dans une caisse commune pour recevoir chacun·e un budget égal de 150 euros par mois, enfants compris, dédié spécifiquement à l’alimentation.

Ce budget pourrait prendre la forme de « tickets restaurant » destinés uniquement à l’achat de denrées alimentaires sélectionnées par les citoyennes et citoyens dans des instances locales. En conventionnant avec des producteurs et productrices de chaque territoire, les citoyen·es choisiraient ce qu’ils veulent manger et contribueraient à la transformation du système de production.
Expérimentée dans certains territoires à toute petite échelle, cette sécurité sociale de l’alimentation est une voie à explorer sérieusement pour mettre en œuvre une réelle démocratie alimentaire.

Découvrir la Sécurité sociale de l’alimentation

Vrac, l’écologie populaire en actes

Vrac Rennes
Les distributions de Vrac ont lieu chaque mois dans quatre quartiers populaires de Rennes et sur le campus de l’Université Rennes 2.

L’association rennaise Vrac – pour « vers un réseau d’achat en commun » – organise dans les quartiers populaires de Rennes des groupements d’achats de produits bio pour la plupart, locaux pour certains, vendus en vrac autant que possible.
Ici, la tarification est solidaire : le prix varie suivant la situation des personnes. Prix coûtant moins 10 % pour la moitié des adhérent·es, prix coûtant moins 50 % pour les plus précaires, prix coûtant plus 10 % pour les autres. S’approvisionnant auprès d’une douzaine de fournisseurs bio et éthiques, Vrac vend chaque mois cinq tonnes de produits à ses 450 adhérent·es.
Après en avoir été co-présidente pendant plusieurs années, Nolwen Alzas est une des trois salarié·es de l’association. C’est elle qui a répondu à nos questions.

Pour vous c’est quoi la démocratie alimentaire ?

Il y a deux freins principaux pour s’alimenter : le prix et l’accessibilité physique. Dans les quartiers, il n’y a pas de magasins bio. Et puis il y a aussi une question d’accessibilité culturelle. Les gens ne se sentent pas forcément à leur place dans une Biocoop.
Forcément, la démocratie alimentaire, c’est un concept qui nous parle. Et comme dirait Gérard, un des bénévoles, « pourquoi rajouter alimentaire ? » Ce qu’on fait avec Vrac, c’est de l’écologie populaire. On veut embarquer tout le monde dans la transition. Il y a énormément de personnes dans les quartiers qui ont envie de transformer leur alimentation, l’objectif de Vrac c’est de répondre à ce besoin.

Comment concrètement y contribuez-vous ?

Au-delà de rendre accessible aux habitants des quartiers populaires une alimentation de qualité, nous défendons la convivialité. En créant du lien, en organisant des concours de cuisine, en partageant les savoir-faire grâce à un atelier pain animé chaque année par un boulanger de La Compagnie fermentée, en allant planter les oignons avec Alexis et Laurent, Maraîchers des 4 chemins ou en allant ramasser les pommes avec Goulven sur la ferme Pradenn. C’est aussi de la solidarité avec le monde paysan : permettre de comprendre que ce qu’on mange ne vient pas de nulle part. Nous voulons faire se rencontrer les paysans et le monde urbain. Et c’est aussi permettre aux paysans de comprendre la réalité des habitantes et habitants des quartiers.
Lors des distributions, on reste en proximité pour être à l’écoute de ce qui se passe. Ça bouscule nos préjugés. Ça aussi, ça fait partie de la démocratie. On multiplie les lieux de captage de la parole : il faut saisir la parole là où elle est.

Après quatre ans d’action quel serait aujourd’hui votre rapport d’étonnement, votre joie, votre colère ?

Je crois que l’enseignement que j’ai tiré en premier, c’est que le frein principal pour aller vers une alimentation respectueuse de l’environnement, c’est un frein financier. Ce n’est pas que les gens ne savent pas manger comme on l’entend souvent. Alors comment sort-on de la lutte contre la précarité pour aller vers la démocratie alimentaire ? Si on veut réfléchir à la démocratie alimentaire, il faut réfléchir au système global. Les gens n’ont juste pas d’argent, les producteurs non plus. Avec la politique de lutte contre la précarité, on nourrit un système. Il n’y a pas d’opposition entre Vrac et l’aide alimentaire. Il y a juste deux projets différents. Vrac ne répond pas à l’urgence alimentaire. Est-ce que la démocratie peut répondre à l’urgence ? Je ne pense pas. On ne peut pas faire de la démocratie dans l’urgence.

Découvrir Vrac Rennes

Les Cols verts, une ferme pour et par les habitant·es

Les cols verts Rennes
les cols verts crédit photo Les Cols Verts Rennes Le Potager des cultures pousse au pied du Triangle, au cœur du quartier du Blosne à Rennes

Une ferme urbaine au cœur du Blosne, imaginée par et pour les gens du quartier, c’est le projet que les Cols verts de Rennes construisent saison après saison. Avec le Potager des cultures au pied du Triangle et la ferme du Pré à Chantepie, les six salariées et leur équipe de jeunes en service civique et de bénévoles investis veulent redonner à chacune et chacun le choix de son alimentation. Hélène Brethes s’est prêtée au jeu de l’interview.

Pour vous, c’est quoi la démocratie alimentaire ?

Dès le départ, la démocratie alimentaire était très ancrée dans notre projet. On a tout imaginé de A à Z. Par exemple, ici sur le potager, les allées correspondent à la largeur d’une poussette et d’une brouette qui se croisent : c’était le choix des éducatrices des crèches d’à côté. On a toujours fait du lien avec les structures du quartier : le P’tit Blosneur, le Triangle, le centre de santé… Aujourd’hui, l’association travaille avec une centaine de partenaires opérationnels sur le quartier.
Surtout la démocratie alimentaire, c’est le choix de manger ce qu’on souhaite.

Concrètement, comment vous y prenez-vous ?

Nous avons un circuit de paniers solidaires qui représente 30 à 40 % de notre production annuelle. On s’appuie sur les CDAS, les CCAS, le centre de santé et les centres sociaux qui nous orientent chaque année une quinzaine de foyers. Ce sont des familles ou personnes seules qui s’engagent sur un an à venir chercher leur panier toutes les semaines, un panier qu’elles payent 3 euros au lieu de 12. Régulièrement, on fait le bilan sur les légumes proposés, ce qui a marché, ce qui n’a pas marché. Ici, clairement, le fenouil elles ne sont pas fan, les betteraves elles n’en font pas une folie non plus. Il faut qu’on explique que si on veut avoir des légumes tout le temps, il faut aussi diversifier son alimentation. Alors depuis quatre ans on fait des fiches recette chaque semaine. Il faut valider les valeurs nutritionnelles, faire attention à ne pas utiliser trop de matériel, trop de consommables. Il faut se mettre à la place des gens. 100 % des bénéficiaires utilisent les fiches recette et il y en a même 57 % qui les diffusent !
L’autre partie de nos légumes est vendue pour financer les paniers solidaires. On fournit le restaurant La Pie muette, Vrac, Breizhicoop. Et en direct le mercredi on organise un petit marché sur le Potager des cultures.
On accueille des personnes sur la ferme pour participer aux récoltes, on organise des ateliers cuisine thématiques aussi. 6 500 à 7 000 personnes sont sensibilisées chaque année. Avec une part importante d’enfants, de jeunes, d’habitants du quartier. On n’a pas tous les mêmes pratiques alimentaires. Plein de bénéficiaires ou de bénévoles vont découvrir la diversité des choux par exemple. Il faut co-construire, y aller pas à pas, pas juste dire « il ne faut pas manger des tomates en hiver » mais expliquer par quoi tu les remplaces, pourquoi. On y va doucement, sans brusquer, parce que les personnes avec qui on travaille sont déjà fragilisées. Et on sait que l’alimentation tient un truc très intime lié l’histoire des personnes. Pour moi c’est ça aussi la démocratie alimentaire, c’est faire avec.

Après sept ans d’action, quel est votre état d’esprit ?

Je suis en colère. Les gens ne mangent pas à leur faim. On a vu une évolution des publics depuis qu’on fait des paniers solidaires. Au départ on avait plutôt des familles monoparentales. Depuis un an et demi, on a vu arriver des femmes retraitées seules. Je suis choquée que les pouvoirs publics ne se saisissent pas plus de ce sujet.
J’ai la sensation qu’on participe mais on est un grain de sable, on n’accompagne que quinze foyers par an. On est un maillon de la réponse. Mais ce sont les pouvoirs publics qui devraient se saisir de ces thématiques-là. Il y a des choses aussi qui se font au niveau de la Ville, des paniers bio pour les jeunes mamans, l’expérimentation d’une carte alimentaire, c’est positif mais ça ne règle pas l’ampleur de la précarité alimentaire. On est en décalage par rapport à l’urgence de la situation.

Découvrir Les Cols Verts

 

Phylia, une boulangerie autrement

Phylia
Chez Phylia, tous les pains ont trois prix parmi lesquels le client choisit, sans se justifier.

« – C’est combien le pain aux graines ? – C’est vous qui choisissez ! » Trois pastilles de couleur pour trois prix que l’on choisit en fonction de ses moyens du jour, c’est un des credo de Phylia. Implantée temporairement dans le quartier Sainte-Élisabeth à Rennes, cette boulangerie pas comme les autres produit du pain au levain naturel, avec la volonté de le rendre accessible à toutes et tous. Ici, la démocratie alimentaire va bien au-delà de la tarification solidaire. Aurélie Macé qui est une des initiatrices du projet a répondu à nos questions.

Pour vous c’est quoi la démocratie alimentaire ?

Notre but à Phylia, c’est de démocratiser le pain au levain naturel issu de farines locales, et de contribuer à la création d’espaces de convivialité autour du pain, avec des échanges de pratiques et de savoir-faire, des moments de partage entre habitantes et habitants. Le pain au levain, c’est plus nutritif, c’est un pain de longue conservation, il y a plein d’avantages à en consommer. L’ambition de Phylia, c’est que les gens se le réapproprient.

Comment vous y prenez-vous concrètement ?

En plus de fabriquer et vendre du pain, nous allons au plus près des habitants pour faire des ateliers, accueillir des personnes qui viennent fabriquer avec nous, des gens en formation, des gens en reconversion. On transmet notre recette du pain, on donne du levain. Si les personnes repartent avec la méthode et qu’elles font le pain chez elles, on aura déjà gagné.
On a aussi pour idée de travailler notre offre avec les habitants. On fait déjà des focaccia, on pourrait travailler des pains pita, des pains marocains… Il y a des gens qui veulent nous apprendre. La transmission de savoir-faire peut aller dans les deux sens.
Mais l’accès à du bon pain, c’est aussi une question de moyens. Même si chez Phylia on n’a pas des prix exorbitants, malgré tout, sur le portefeuille des personnes cela a un impact. Nous avons choisi d’appliquer une tarification solidaire. Tous nos produits ont trois prix et ce sont les clients qui choisissent en fonction de leurs moyens. Le prix orange c’est le prix juste, le prix bleu, c’est le tarif solidaire avec +10 % et le prix vert, le prix mini avec -20 %. Et chacun choisit librement le tarif qu’il souhaite, sans se justifier.
La démocratie alimentaire procède à la fois de la démarche de tarification solidaire et aussi de cet échange de savoir-faire qui va dans les deux sens.

Après deux ans d’action, quels seraient aujourd’hui votre rapport d’étonnement, votre joie, votre colère ?

Notre plus grande joie, c’est le retour des clients qui reviennent, qui aiment les produits. Réussir à embarquer avec nous des habitants des quartiers populaires, j’en étais convaincue. Maintenant j’en suis sûre : ça marche. Un exemple : il y a une femme du quartier Bréquigny qui vient toutes les semaines au centre social et s’installe à côté de moi quand je vends mon pain. Elle s’installe et elle tricote des bonnets pour les personnes sans domicile. Elle avait très envie d’être bénévole. Alors on a discuté. Et elle va organiser un « tricot-papote » à la boulangerie. Elle est convaincue de nos produits, elle a envie de participer d’une façon ou d’une autre à l’aventure. On est aussi sur du lien social et ça c’est chouette.
En quartier, il y a une partie de la population qui pense que le bio n’est pas accessible et que ce n’est pas pour elle. C’est souvent un sujet de discussion avec les gens. C’est là que tu te rends compte que la précarité alimentaire est très forte sur les quartiers. Il y en a beaucoup qui vont sur les distributions alimentaires. La question c’est « comment mettre des produits de qualité sur les dons alimentaires et les rendre encore plus accessibles ? »

La Basse Cour, catalyseur de liens

La Basse Cour, atelier pâtisserie libanaise
Des habitantes du quartier de Cleunay dispensent chaque année des master class culinaires : en 2024, Zeina a partagé des recettes de pâtisserie libanaise.

La Basse Cour est un lieu partagé, culturel et nourricier implanté à la Prévalaye, à mi-chemin entre le quartier de Cleunay et la ceinture agricole rennaise. C’est un lieu de rencontre où les publics se croisent pour boire un verre, cuisiner des produits des fermes locales, débattre d’alimentation, partager des savoir-faire… Nous avons rencontré Nicolas Bon et Eléonore Havas, deux membres de l’équipe fondatrice de ce projet qui est une incarnation de la démocratie alimentaire.

Pour vous c’est quoi la démocratie alimentaire ?

Depuis 2018, nous sommes guidés par la question des droits culturels. L’alimentation est un droit qui doit être envisagé au sens large. Il y a une notion d’équité, la nécessité de valoriser toutes les pratiques autour de l’alimentation et surtout de partager les savoir-faire. Notre question c’est toujours « Comment on encapacite les personnes ? Comment leur offrir les possibilités de s’impliquer et de faire valoir leurs droits ? »

Comment concrètement y prenez-vous part ?

À partir du moment où on envisage l’alimentation comme un fait culturel, tout est possible. Si on prend la question de la saisonnalité par exemple, on pourra faire des formations d’agents de la Ville de Rennes mais aussi créer de la convivialité autour d’un projet d’artistes.
La Basse Cour est un catalyseur d’initiatives. Ce que nous voulons, c’est faire se croiser les mondes. À travers des marchés festifs organisés par des habitants avec des productrices et producteurs du territoire, ou avec des master class où ce sont des femmes du quartier qui vont partager leur savoir-faire culinaire, grâce à un vélo-jus construit par un usager du tiers-lieu qui va sillonner les écoles pour parler de la mûre du verger jusqu’au verre, à travers notre guinguette aussi, qui met en valeur les produits paysans du territoire… Pour nous, toutes les occasions sont bonnes pour faire rayonner d’une manière ou d’une autre l’agriculture et l’alimentation bio durables sur le territoire.
Nous pensons que c’est en croisant les publics que nous la rendons accessible, physiquement mais aussi « cognitivement ». Les portes sont très nombreuses pour entrer à la Basse Cour. Que ce soit via la médiation sociale sur le quartier de Cleunay, un afterwork d’entreprise, une formation de personnes éloignées de l’emploi, une soirée concert à la guinguette, un chantier participatif ou une session de jardinage… ce qui est important, c’est que toutes ces portes ouvertes permettent de décloisonner, de créer des liens. Avec tout ce brassage, on imagine que les gens vont pouvoir s’emparer de ces questions à un endroit ou à un autre.

Après six ans d’action quel serait aujourd’hui votre rapport d’étonnement, votre joie, votre colère ?

Toutes les pièces de ce puzzle qui semblait farfelu au début commencent à s’imbriquer. On voit bien comme les personnes viennent d’abord boire un coup, puis deviennent bénévoles, puis prennent l’initiative de créer un fanzine qui recueille des recettes d’habitantes et habitants du quartier. Les gens ont besoin de lien social avant tout. L’alimentation est un super vecteur de lien social. On a plein de choses à s’apprendre les uns les autres. Il faut être dans le faire. Si tu veux communiquer avec quelqu’un qui n’a pas les mêmes pratiques culinaires que toi, il n’y a rien de mieux que faire ensemble. Il y a besoin d’espaces de convivialité où on n’est pas que dans la consommation pour créer la rencontre. Et ça marche.

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