C’est sans doute le secret le mieux gardé dans le commerce : comment construit-on un prix ? Qu’y a-t-il derrière ? Qu’est-ce qui différencie Biocoop et Scarabée, dans la construction d’un prix, des enseignes de la grande distribution ?
A l’occasion du dernier Scarabio Festival, mi-septembre, certains d’entre vous ont peut-être assisté à une conférence intitulée « Les dessous d’un prix ». Ou comment Scarabée fixe le prix des produits.
C’est un travail complexe, initié par Isabelle Baur, présidente du Directoire, et l’équipe responsable du contrôle de gestion à Scarabée : comment décomposer de manière simple le prix d’un produit pour expliquer à nos clients et coopérateurs où va l’argent correspondant. Vaste chantier… Qui a été entrepris en priorité sur un rayon emblématique de nos magasins : les fruits et légumes. Et sur un magasin : celui de Cleunay.
Contribution de marge
Préambule indispensable : cette « décomposition » d’un prix sur notre rayon fruits et légumes de Cleunay a été réalisée après ce qu’on appelle des « contributions de marge ». Késako ? Les contributions de marges consistent à baisser nos marges sur des produits portant plus particulièrement nos valeurs – le local, le vrac, le commerce équitable, par exemple – ainsi que sur les produits de première nécessité, par souci d’accessibilité, pour augmenter les marges, de facto, sur d’autres produits. Des produits dits « de niche », « plaisir » ou « d’achat d’impulsion ». Exemple pour le rayon fruits et légumes : les physalis, ou les kakis.
La contribution de marge est aussi pratiquée chez Biocoop au niveau national, pour réduire le prix sur des produits « valeurs » (filières françaises « Ensemble solidaires avec les producteurs », vrac, commerce équitable), signant l’engagement du réseau.
Un prix tout nu (waaaaa…)
Nous avons légèrement arrondi les chiffres de cette répartition afin de vous épargner les 10èmes et 100èmes de centimes d’euro. Actuellement, sur 1€ que vous payez au rayon fruits et légumes du magasin de Cleunay :
– 73 cts reviennent aux producteurs
– 6 cts couvrent les salaires ; sur un rayon fruits et légumes tel que celui de Cleunay par exemple, il faut entre 2,5 et 3 personnes à temps plein. Gérer un rayon fruits et légumes, faire en sorte qu’il soit beau, que les produits soient frais : c’est un travail exigeant.
– 7 cts couvrent le coût foncier, le matériel, l’eau et l’électricité. Le coût foncier tient compte de la surface de l’emplacement du rayon en magasin, de la surface de circulation autour du rayon, et de la place en réserve, en terme de loyer. Le matériel : ce sont les balances, les « outils » (comme les chariots), les sacs en papier.
– restent à Scarabée environ 14cts d’euros. La moitié environ finance ce qu’on appelle les « services transverses » : développement, commerce, comptabilité, communication… Restent environ 7cts : ce sont les bénéfices réalisés par Scarabée.
Pas la même répartition à Vasselot ?
Et non. Sur un plus petit magasin de centre ville comme Vasselot, on arrive même à un bénéfice de – 0,70 cts, donc à une légère perte. Pourquoi ? Parce qu’entre le magasin de Cleunay et de Vasselot, les volumes, la fréquentation, le nombre de salarié(e)s ne sont pas les mêmes. Mais Scarabée a fait le choix que les prix de vente soient par contre identiques, d’un magasin à l’autre. Les grands magasins comme celui de Cleunay aident donc les plus petits magasins du centre ville à avoir les mêmes prix.
Et dans la grande distribution, il se décompenserait comment, le prix ?
Impossible de le dire. Les grandes enseignes n’ont pas pour habitude de communiquer sur le sujet. C’est une première différence – et pas des moindres – qui distingue Scarabée et le réseau Biocoop de la grande distribution : une volonté de transparence dans les pratiques commerciales.
A défaut de pouvoir comparer la décomposition d’un prix chez Biocoop Scarabée avec celle d’un prix d’un produit bio d’une grande enseigne, nous vous proposons un tour d’horizon comparé des pratiques communes aux enseignes de la grande distribution, avec celles du réseau Biocoop, au niveau national. Avant de regarder plus précisément comment, à Scarabée, se construit un prix, en concertation avec les producteurs. Allez, hop !
L’achat responsable chez Biocoop
Scarabée travaille actuellement avec plus de 180 fournisseurs locaux. Le reste de son approvisionnement est assuré par la plate forme Biocoop, basée à Melesse. En quoi les pratiques commerciales de Biocoop, au niveau national, se distinguent de celles d’une enseigne de la grande distribution ? Tour d’horizon avec Anne-Laure Portrait, coordinatrice « achat responsable » à Biocoop.
Selon Anne-Laure Portrait, dans les grandes surfaces, « sur les produits alimentaires : la marge est proche de 0. Le magasin va faire de la marge sur ce qu’on appelle le bazar lourd (électro-ménager, hi-fi, vidéo) et léger (papeterie). Ou encore sur la parapharmacie, ou le textile. Et comme il s’agit de très gros volumes, elles achètent en masse, en Chine par exemple. »
« Nous, Biocoop, la difficulté : nous sommes globalement des petits magasins (en moyenne 310m2), par rapport au 14 000 m2 d’un hypermarché. Nous n’avons pas de bazar lourd, et très peu de bazar léger, comme la papeterie ou le textile. »
Remise de fin d’année (RFA)
Au-delà de cette pratique qui consiste à faire des marges hautes sur le bazar lourd et léger, plusieurs autres pratiques permettent en GMS (grande distribution) de proposer des produits alimentaires à une marge proche de 0, tout en réalisant des bénéfices conséquents.Parmi celles-ci : les remises de fin d’année (RFA). En fonction du chiffre d’affaires réalisé dans l’année, le fournisseur reverse un pourcentage à l’enseigne. « En GMS, ce pourcentage peut monter jusqu’à 40% » souligne Anne-Laure.
Biocoop pratique aussi ce type de remises, mais dans une proportion anecdotique, en comparaison : à hauteur de 3%-4%. « Lorsqu’on demande une remise sur facture à nos fournisseurs : c’est pour couvrir des frais de préparation de commande, des frais de livraison… On lui demande de participer à ces frais. Le fournisseur livre une plate-forme, nous, à Melesse par exemple : plus de 150 magasins ». Ce qui a un coût… « On essaie, à Biocoop, que la remise soit une remise sur facture, plus qu’une remise de fin d’année. Mais les fournisseurs qui ont eu des investissements dans l’année préfèrent une RFA ». Pourquoi ? Parce que si l’objectif de vente de leurs produits n’est pas atteint, chez Biocoop : ils n’ont pas à régler cette remise de fin d’année. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres enseignes.
Droit d’entrée
Au-delà du montant et de l’utilisation des remises de fin d’année, Biocoop se distingue de la distribution « classique » par le fait de ne pas faire payer de droit d’entrée à ses fournisseurs ; à l’inverse, en GMS, le fournisseur doit payer un droit d’entrée à chaque étape : à la « centrale » française de l’enseigne, mais aussi, éventuellement, à la centrale européenne, voire à la centrale internationale.
« Coopération commerciale »
Une autre pratique commune en grande et moyenne distribution est la « coopération commerciale ». Appelée désormais (on prend son souffle) : « Service propre à améliorer ou favoriser la revente des produits du fournisseur de l’enseigne ». Quoi t’est-ce ? Il s’agit du prix que doit payer le fournisseur pour un emplacement particulièrement exposé, comme une tête de gondole. Où une énooorme pyramide de chocolats, à l’entrée d’un hypermarché, en période de fêtes de fin d’année. « Biocoop ne peut pas le faire, car les magasins sont indépendants » insiste Anne-Laure.
D’autres pratiques sont incompatibles avec celles de Biocoop : le recours aux Nouveaux Instruments Promotionnels (NIP), comme les bons de réduction sur les tickets de caisse. Pour en bénéficier, les fournisseurs paient une redevance en plus de la valeur du bon.
Qui a dit « Gros » ?
Ce qui permet aux grandes enseignes de pratiquer des prix défiant toute concurrence, ce sont également, bien sûr, les économies d’échelle. Si elles sont possibles au sein de Biocoop avec des « gros » fournisseurs, au niveau national, elles ne le sont évidemment pas avec des producteurs locaux et directs, sur un modèle d’agriculture paysanne, ou de production artisanale.
« A Biocoop, on est plus souvent sur de l’artisanal ou du semi-industriel » précise Anne-Laure. « Certains fournisseurs sont considérés comme industriels dans le milieu de la bio, mais d’artisanaux pour la GMS. »
« Les fournisseurs industriels qu’on choisit ne sont pas choisis par hasard. Ce ne sont pas des industriels qui font des « coups » ». Par exemple en achetant 150 tonnes de céréales d’Ukraine ou d’Afrique du sud. « Nous sommes régulièrement contactés, à Biocoop, par des traders, pour les fruits et légumes, ou les céréales. On ne donne pas suite. La bio en GMS, c’est souvent du coup par coup ; nous : on ne veut pas ! Cela veut aussi dire que lorsqu’on est en rupture : on n’a pas de recours possible. Nous construisons la relation avec nos fournisseurs sur du long terme, et souhaitons la pérennité des entreprises pour développer l’agriculture biologique et le tissu industriel et commercial en France. »
Au-delà des engagements que représente le respect du cahier des charges pour ses fournisseurs, Biocoop réalise des audits chez eux ; sur la qualité ; sur la traçabilité – une facture est prise au hasard, pour revenir jusqu’à la matière première. Et sur la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).
Economies d’échelle
La possibilité de baisser un prix est essentiellement liée aux volumes commandés. Faire partie de la sélection Bio Je Peux (BJP), par exemple, en magasins, « cela équivaut pour le fournisseur à 200 à 300% d’augmentation de volumes vendus. Mais également à une visibilité » souligne Anne-Laure. C’est dans ce même processus que s’inscrit le travail de Biocoop sur « Les Prix Engagés », une sélection qui remplacera bientôt la BJP. Cinq cents produits du catalogue de notre réseau seront proposés à l’ensemble des magasins à un prix maximum autorisé ; une initiative dont le but est d’être le plus accessible possible en terme de prix pour les clients et/ou sociétaires, tout en faisant en sorte que les fournisseurs s’y retrouvent, et ce sur le long terme.
Non spéculation
Autre grande différence entre le réseau Biocoop et les grandes enseignes de la distribution : pas de spéculation. Si il y a moins d’offre, et plus de demande : pas d’augmentation de prix pour autant ! « Nous avons un prix d’achat minimum, et un prix maximum ; si le marché s’écroule en dessous du prix minimum : on paie le prix minimum. On ne veut pas que les producteurs se retrouvent en difficulté ». Des prix de campagnes sont ainsi définis avec les groupements de producteurs partenaires de Biocoop, avec un prix plancher, un prix plafond, et une contractualisation à 3 ans (pour les céréales) ou à 5 ans (pour le lait, par exemple).
Marge en valeur ou en pourcentage ?
Autre choix qui distingue Biocoop : le choix de recourir à deux niveaux de marges ; le premier en « valeur » : une marge qui estime un montant minimum permettant à la coopérative Biocoop SA, au niveau national, de fonctionner. Le second en pourcentage : « En fonction des volumes, on peut avoir besoin d’augmenter une partie de la marge » explique Anne-Laure ; pour les coûts relatifs au transport, par exemple. « Ou pour le financement de projets qui permettront de développer le réseau, ou de lui assurer de nouvelles perspectives de déploiement. » Les coûts liés à l’activité sont ainsi dissociés des coûts liés au fonctionnement de Biocoop SA. « Si on fonctionnait uniquement en pourcentage : on ferait beaucoup de bénéfices. » Mais justement, « Il ne s’agit pas de faire du bénéfice pour faire du bénéfice, mais bien de développer l’agriculture biologique. » Anne-laure rappelle aussi que « Biocoop n’a pas d’actionnaires, et ne reverse donc pas de dividendes ».
Soutien aux producteurs
Dans le prix d’un produit Biocoop, il y a plus globalement les moyens mis en place par le réseau pour soutenir le développement de l’agriculture bio. Ces moyens s’illustrent particulièrement à travers les filières « Ensemble solidaires avec les producteurs », une démarche pionnière en matière de commerce équitable « origine France », initiée en 1999. Réunis au sein de la section agricole de Biocoop, les groupements de producteurs de la marque « Ensemble… » sont sociétaires de la coopérative Biocoop, au même titre que les magasins. Ils sont représentés par deux élus au Conseil d’Administration et participent à la construction des projets. Avec eux, Biocoop s’engage dans la durée. Des niveaux de prix « plancher et plafond » sont fixés, comme le mentionnait Anne-Laure, afin de les protéger des variations parfois brutales du marché. En complément, Biocoop co-finance des projets de structuration de filières, comme la construction d’un atelier de transformation, ou d’un silo de stockage, à travers un fonds d’investissement nommé « Défi Bio ».
Cet ajustement permanent autour de ce que doit être un prix juste, qui permet à chaque maillon de la chaine de développer son activité de manière durable, distingue singulièrement Biocoop dans la manière de construire ses prix. Une distinction qui lui a permis d’atteindre le niveau « Excellence » dans la norme Iso 26000, relative à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et au Développement Durable.
Pas pour des prunes
Sur le rayon « Fruits et légumes » : comment s’élabore un prix à Scarabée ? Hughes VanKriekinge, référent sur ce rayon dans les magasins Biocoop Scarabée, nous explique cette recherche permanente d’un prix juste.
Hughes, Comment estimes-tu un prix d’achat aux fournisseurs ?
Le nerf de la guerre c’est : « qu’est-ce qu’un prix juste » ? Aujourd’hui, nous achetons en direct auprès de 40 producteurs de fruits et légumes. Un même produit peut être acheté auprès de 4-5 fournisseurs différents, au même moment, sur plusieurs magasins. Il faut donc que ce prix soit cohérent. Et qu’il soit également cohérent, commercialement, en magasins. Pour cela, plus j’ai d’éléments pour comparer et analyser, mieux c’est !
Sur quels éléments te bases-tu ?
Je prends d’abord en compte un seuil de rentabilité pour les producteurs, je dialogue avec eux. Ce dialogue est là depuis longtemps à Scarabée , il faut rappeler que nous sommes un des premiers magasins Biocoop à avoir organisé la planification de la production avec les maraîchers locaux. Certains de nos fournisseurs historiques, comme Jean-Paul Gabillard ou Arnaud Daligault, sont investis dans les organisations de producteurs (1). Ils ont une technicité et une connaissance du terrain. Avant, nos fournisseurs ne savaient pas forcément calculer leurs prix de revient ; c’est difficile : cela dépend du nombre de salariés, de l’usure du matériel, des investissements… Au quotidien, cela demanderait un travail de fourmi. En général, nos maraîchers s’y retrouvent davantage en suivant leur chiffre d’affaires annuel. Certains sont désormais en mesure de calculer des seuils de rentabilité assez précis. De savoir quelle quantité de carotte-botte ou de petits pois il faut récolter au mètre carré et à l’heure pour que ce soit rentable.
Il y a des légumes « basiques », qu’il est relativement aisé de produire malgré des conditions climatiques aléatoires. Les courges, les pommes-de-terre, les oignons, par exemple, en hiver. Sur ces produits-là, le coût de revient est relativement stable d’année en année. Les augmentations que l’on va observer sont davantage impactées par la hausse du coût de la vie. On peut, sur ces produits, s’appuyer sur le cours des prix national.
Et pour les autres produits, en dehors de ces « basiques »?
Pour des produits plus complexes, comme les tomates ou les carottes-bottes : on ne peut pas se limiter à comparer avec la mercuriale (ndlr : l’offre du jour) de Rungis, qui va donner le prix d’achat de la « tomate ronde » à 1,50 euros… Il faut tenir compte de la taille de l’exploitation, de l’outillage ; et, bien sûr, de la variété de la tomate, sa qualité gustative. A nous, ensuite, de communiquer sur cette qualité en magasins.
Au-delà de ce seuil de rentabilité, la deuxième chose que je prends en compte, ce sont les relevés de FranceAgriMer (2), qui donnent les cours des prix du marché de gros ou de détail. Ces relevés hebdomadaires définissent un prix minimum et maximum, à partir d’un immense « sourcing » au niveau national.
Je regarde également, chaque semaine, les cours de Bio Rungis, Bio Nantes, Bio France Gros. Et, évidemment, on regarde aussi les prix de la mercuriale de notre plate-forme d’achat Biocoop. L’idée n’est pas de se fier aveuglément aux données accessibles, mais de dégager une tendance au niveau des marchés, pour la période en cours.
Au-delà de toutes ces infos, je prends également en compte, dans l’échange avec les producteurs, l’évolution du coût de la vie, l’usure du matériel, les incidents techniques, le coût salarial pour les producteurs, ou les aléas climatiques comme une mauvaise récolte.
En tout début de saison, je les appelle pour avoir leurs premières réactions. Exemple : on se réunit avec les arboriculteurs au mois de juin, en période de floraison. Car ils savent, déjà, ce qu’ils auront dans les arbres. Je souhaite faire confiance à ce qui se passe sur le terrain. Nous sommes dans une relation de confiance, qui se construit dans la durée.
En dehors de ces aléas, on ne peut pas se permettre d’être 1 euro plus cher que le prix du marché. Quand nous avons un prix plus élevé, il faut pouvoir l’argumenter ; et si on est trop « décroché » : on peut avoir tous les arguments du monde, ça ne marche pas !
Qui propose concrètement le prix ? Toi ou les producteurs?
C’est moi ; je peux rapidement avoir accès à l’historique des tarifs via notre logiciel de gestion. Certains producteurs font référence sur un produit, car ils en produisent depuis de nombreuses saisons et qu’ils le maîtrisent techniquement. Je les appelle, ils me donnent leur avis ; je garde le prix qui est au juste milieu, et le propose à l’ensemble des producteurs. Il y a discussion, aussi, car je suis là pour défendre le commerce en magasins. Cela demande de la transparence, des deux côtés.
On ne peut pas laisser un producteur faire son prix sans cette concertation collective : un producteur proposerait ses poireaux à 1 euro, un autre à 2 euros : ce ne serait pas juste ! On décide du prix ensemble.
Par contre, lorsqu’un fournisseur est en difficulté parce qu’il a un surplus : on va organiser une promo sur les magasins qu’il livre, afin qu’il ne reste pas avec de la marchandise sur les bras. à ce moment-là, il nous semble important de le soutenir.
Cela se passe comment, la réunion de planification annuelle avec les maraîchers, à Scarabée ?
Le prix est désormais discuté tout au long de l’année, particulièrement à chaque début de saison.
Pour la planification : je sors les statistiques de vente, je les analyse, ce qui permet de faire ensemble des prévisions. Mais l’engagement reste oral : on ne peut aller au-delà de ces prévisions, ni nous, ni eux. Cela permet cependant de voir si on peut encore planifier un nouveau producteur ; ou si il y en a trop sur un même produit. C’est aussi l’occasion de faire un bilan de campagne avec chacun ; si un maraîcher m’annonce qu’il arrête de faire du chou rouge, je construis la suite en fonction.
Nous essayons également de prendre en compte l’aspect géographique, de planifier un producteur sur un magasin se situant le plus près possible du lieu de production, et sur suffisamment de produits au même moment afin que sa livraison soit cohérente.
On parle là du prix d’achat. Et le prix de vente, comment le construis-tu ?
Là aussi, je peux m’appuyer sur les relevés de FranceAgriMer. Si on regarde un exemple aujourd’hui (ndlr : le 11 décembre) , dans la rubrique « Bio magasins spécialisés » : la carotte lavée est entre 1,85€ et 2,99€, donc 2,33€ en moyenne. à Scarabée aujourd’hui : nous sommes à 2,30€ pour les carottes en local. Prix auquel il faut déduire la remise sociétaire de 5%, dont bénéficient plus de 80 % de clients. On peut l’oublier, mais c’est le prix public qui est annoncé dans nos rayons fruits et légumes, prix sans la remise. Un client sociétaire, aujourd’hui, achète le kilo de carotte lavée à 2,19€. Mais il ne le voit que sur son ticket de caisse, pas en rayon.
Peux-tu nous dire sur quels produits Scarabée baisse sa marge, pour les mettre en avant ?
On baisse nos marges en priorité sur le local, les produits de cœur de saison ; et sur les produits de base, comme les carottes, pommes-de-terre, poireaux, par exemple, en hiver. On l’augmente sur les produits de niche, et les produits d’import, Italie et Espagne pour la plupart ; en tout début ou fin de saison, ou en cas de ruptures.
L’idée est de favoriser l’économie locale, les circuits courts et d’encourager le travail qualitatif de nos fournisseurs.
Il s‘agit de concilier la partie « achat », qui consiste à rémunérer le producteur par un prix juste ; et la partie « vente », où on veut proposer une bio de qualité à un prix qui soit le plus accessible possible.
(1) Jean-Paul Gabillard est trésorier de la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique). Arnaud Daligault est président d’Agrobio 35, Groupement des Agriculteurs Bio d’Ille et Vilaine.
(2) FranceAgriMer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, exerce ses missions pour le compte de l’État, en lien avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.