Consommer autrement

Portrait : La Safranerie, safran et huilerie

Jérôme et Virginie Marest ont récemment repris l’huilerie d’un de nos fournisseurs locaux, Grégoire Gabillard. Ils se sont également lancés dans une production rare dans notre région : celle du safran bio. Leur première récolte est dans nos rayons, depuis peu, sous la marque La Safranerie.
Rencontre avec Jérôme, de passage au magasin de Saint-Grégoire pour une animation.

La Safranerie

L’Ânerie
49520 Le Tremblay

Jérôme et Virginie Marest, La Safranerie

« Le safran est comparable au thé : il infuse. Ce qu’il ne peut pas faire à l’état de poudre, c’est la raison pour laquelle nous n’en fabriquons pas. Parce qu’il infuse, il est plus facilement utilisé dans les plats en sauce. Il diffuse une partie colorante, jaune d’or, mais c’est également un exhausteur de goût, même si il est classé dans les épices. Sa vraie nature est donc de révéler les ingrédients d’un plat. Dans un riz-au-lait à la vanille, par exemple, il va révéler la vanille.

Il est généralement utilisé dans les plats salés, il se marie par exemple très bien aux poissons, dans un beurre blanc ou une crème fraîche. Mais il peut également être utilisé dans les recettes sucrées : les préparations à base de lait, crème anglaise, crème aux oeufs… Il faut compter environ 3 stigmates par personne, sur un plat. »

Quand avez-vous démarré votre activité ?

Virginie s’est installée le 1er janvier 2012. J’ai rejoint la société le 1er juillet suivant. Pour la production de safran, on utilise un champs à Grégoire Gabillard, qui nous a passé la main sur son activité d’huilerie. Par ailleurs, on fait de la culture plus classique en céréales, oléagineux, protéagineux et fourrage, cultures pour lesquelles on est en conversion bio jusqu’en mars 2014. Au terme de cette conversion, le safran sera aussi cultivé sur notre ferme. On vient de quasiment finir d’installer l’huilerie. On y traite, en attendant la fin de notre conversion, les oléagineux produits en bio par Grégoire.

Pourquoi avez-vous choisi le bio ?

Par convictions personnelles ; avant de se lancer dans ce projet, on mangeait bio, et on était écolo. Virginie, comme moi, n’étions pas agriculteurs. On a repris une formation d’un an en BPREA (brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole), à Segré, avec une option en Maraîchage bio, au Lycée du Rheu. Virginie a choisi une option « grandes cultures », et moi un module « agronomie » et « mécanique », pour l’entretien du matériel.

Comment s’est faite la rencontre et le passage de relais avec Grégoire Gabillard ?

Au cours de ma formation, je lui ai demandé de m’accueillir en stage, plus particulièrement sur la partie « réseau de commercialisation », vente, et livraison des huiles. La partie production m’a également intéressé, il m’a laissé de plus en plus la main. Il était également curieux de notre projet, et nous a conseillé ; comptable de formation, il savait que si on se lançait que sur la production de safran et le maraîchage, ce serait difficile, financièrement. De son côté, il arrivait à un moment où il souhaitait lever le pied. Il m’a donc proposé de travailler sur l’atelier « huile ». Je n’avais cependant pas envie de lâcher le projet d’installation qu’on avait avec Virginie. Grégoire nous a alors proposé de nous céder l’huilerie. Après ma formation, j’y ai donc travaillé en autonomie complète, puis on a amorcé la bascule.

Pour les huiles, resterez-vous sur la gamme qui était proposée par Grégoire ?

Oui, on restera sur le colza, le tournesol, la cameline et le chanvre. Mais on ne produira sans doute pas le chanvre sur notre ferme, c’est trop compliqué. On lui laissera cette production. On élargira certainement la gamme dès le passage à la bio. C’est également lui qui continuera à préparer les graines ; il a l’expérience, et le matériel pour, trieur et séchoir.

Pourquoi avoir choisi une culture aussi originale que le safran ?

Ma femme adore les fleurs, mais la culture des fleurs, en bio, ce n’est pas simple… Elle adore la cuisine, aussi. Je lui ai dit un jour : « ça ne te dirait pas de faire du safran ? ». Et oui, c’était ça ! On a fait des essais, on s’est renseigné pour savoir si ça pouvait pousser en Pays de Loire. On ne travaille qu’avec des bulbes de souche française, et plus précisément quercynoise, ce qui est cohérent pour l’acclimatation, et qui est en plus très qualitatif. Puisque le safran est au départ un bulbe, la plante se reproduit toute seule, le bulbe fait des bulbilles. C’est pour cela que des souches françaises ont pu être conservées. Nous travaillons avec 3 fournisseurs, adhérents au Conservatoire botanique du safran, dont nous sommes également devenus adhérents.

Où vos produits sont-ils distribués ?

On travaille avec les mêmes points de vente que ceux avec lesquels travaillait Grégoire : Scarabée, les Biocoop du 49 et du 53, globalement. On travaille aussi un peu avec la restauration collective, nos produits sont présents dans deux lycées nantais, à travers la société Rest’Ouest.

Cette reconversion est une sacrée aventure : comment avez-vous été accueillis sur votre commune d’installation ?

Très bien. On a bénéficié de coups de mains et de conseils, des agriculteurs bio comme des autres, notamment par du prêt de matériel. L’auberge du village nous a spontanément proposé de référencer nos produits, également. Cela donne une idée de l’accueil qu’on a reçu.

Le safran, ça se cultive comment ?

« Le bulbe se plante vers juillet-août. En septembre, il commence à se développer. En octobre, la tige sort de terre. Elle fait quelques feuilles, mais le safran présente la particularité de commencer par la floraison, qui s’étale sur 6 semaines. C’est seulement après la floraison que se développe tout son feuillage, en hiver. Vers mars-avril, il commence à jaunir, puis à tomber. Le bulbe entre alors dans son activité dormante.
L’autre particularité du Crocus Sativus, c’est qu’en plus des étamines, il produit 3 stigmates rouges : c’est ce qui donne le safran. Dès qu’il commence à fleurir, on cueille les fleurs tous les jours, à la main, le matin de préférence, quand la fleur est encore fermée, afin de conserver l’arôme.

Après la récolte vient l’émondage : on récupère les stigmates, à la main également, juste après la cueillette. Les 3 stigmates sont reliés, le but est de les garder reliés, c’est ce qui prouve que c’est du vrai safran. Or il existe du faux safran ! Principalement issu de la fleur de souci, très orangé, vendu au moindre coût partout dans le monde. Ou pire : on trouve aussi sur le marché des fibres de viande de poulet ou du plastique, teints en rouge…

Après l’émondage vient le séchage, au four ou au déshydratateur. Du séchage dépend la conservation et la concentration en arômes.

Ensuite vient une période de repos de plusieurs semaines, qui permet de développer tous les arômes. Puis nous conditionnons nous-mêmes. Le tube en verre est recyclable, et l’emballage en carton noir protège le produit de la lumière. Un gramme de safran représente entre 150 et 180 fleurs. »

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