Suite du dossier « prix » publié sur ce site et dans La Feuille de janvier-février. Après un entretien avec Arnaud Daligault, maraîcher et président d’Agrobio 35, et Hughes Van Kriekinge, référent fruits et légumes à Biocoop Scarabée, c’est au tour de Kevin Franger, Mickaël Couedic et Frédéric Leprêtre, référents ultra-frais, boucherie, et commerce magasins, de nous expliquer comment ils construisent leurs prix.
Frédéric Leprêtre est référent « Commerce magasins » pour l’ensemble de nos points de vente. Parmi ses missions : le pilotage de la marge de l’ensemble des produits, achetés à nos fournisseurs directs et à notre plate-forme Biocoop Grand-Ouest, basée à Tinténiac.
Le cahier des charges Biocoop fixe une limite de marge nette distribution à 31,5 %. Qu’en est-il dans nos magasins ?
Nous sommes en-dessous de 31%. A la fin 2021, nous étions à 30,5%. Nous avons perdu un peu de marge.
Tout d’abord parce qu’il y a changement de consommation, au bénéfice des produits à transformer, du « faire soi-même ». Ce qui explique pour nous une certaine désaffection du rayon non-alimentaire. Egalement parce qu’à Scarabée, il y a un choix de développer et de mettre en avant le vrac, au maximum, ce qui génère moins de marge, car nous margeons volontairement moins sur le vrac.
Et aussi parce que les derniers magasins ouverts sont des petits magasins, moins générateurs de marge également, car proposant, par souci d’accessibilité, des produits dits « essentiels », des produits de base, moins de cosmétiques, et plus de vrac.
Comment les prix sont-ils construits ?
Pas un seul produit n’a la même marge.Nous fonctionnons avec une double combinaison pour construire les prix.
La première est une échelle de P0 (prix 0) à P10 (prix 10), de la marge la plus basse à la marge la plus haute.
La seconde est la répartition des produits en 3 catégories : les produits stratégiques, semi-stratégiques, et « standards ».
Les « stratégiques » sont les 500 produits proposés en magasins à prix maximum autorisé, affichés sous étiquette « Prix engagés » ; les semi-stratégiques sont au nombre de 2000 environ. Et les « standards » représentent le gros de l’assortiment.
Ces produits stratégiques sont exclus de cette échelle de P0 à P10, ils sont encore en dessous en termes de prix. Exemple : un jus de fruits à marque Biocoop en prix maximum autorisé, que je l’indique sur notre base de données produits en P0 ou P10 : son prix ne bougera pas.
Quels produits trouve-t-on en P0 ?
En P0, on a toute la famille des produits « parents-bébé », alimentaires comme non-alimentaires. La naissance d’un enfant est souvent l’occasion, chez les jeunes parents, d’un passage vers le bio ; c’est un rayon sur lequel on souhaite être le plus accessible possible.
Sur tous les laits infantiles : on est à 25% de marge prix public. Dont il faut soustraire les 5% de remise-adhérents, qui représentent la grande majorité de notre clientèle. Il faut savoir qu’on ne peut pas descendre en dessous du Seuil de Revient à Perte (SRP) ; il correspond au prix de revient – le prix auquel on achète, plus les frais de distribution et de transport- + 10%. On n’a pas le droit de vendre à des marges inférieures à 10%, pour l’alimentaire.
Au-delà des produits parents-bébé, qu’est-ce qui est en P0 ?
Les produits de base en vrac ; en vrac sucré, des produits comme le sucre, les flocons, les céréales de petit déjeuner. Ils sont à P0-P1 prix adhérents, ce qui correspond à P4 environ prix public.
En vrac salé, des produits comme le riz long complet de Camargue, par exemple, qui est à un prix d’achat de 2,20 € le kg ; il est vendu 3,27 €, soit avec une marge de 29% prix public.
En général, en P0, on a le vrac, et en particulier les produits bruts et du quotidien. On va marger beaucoup plus, par exemple, sur la banane chips, ou les citrons confits que sur les raisins sultamines ou sur la farine.
En résumé, les marges les plus faibles, par souci d’accessibilité, sont sur les produits de base en vrac, le rayon parents-bébé, et les 500 produits sous étiquettes « prix engagés » ; que nous proposons presque tous ; à quelques exceptions près, comme les œufs, par exemple, que nous ne prenons pas à notre plate-forme Biocoop sous prix engagés, car nous avons déjà nos fournisseurs locaux directs.
Dans l’échelle la plus haute, qu’est-ce qu’on trouve ?
Il faut souligner que les produits vendus à prix P9 prix public correspondent à un prix P5-P6 prix adhérent, ce qui correspond au prix moyen constaté dans les magasins Biocoop, au niveau national.
On trouve les produits traiteur et produits transformés frais en libre-service (LS) : plats préparés, pâte feuilletée, filets de tofu cuisinés. Dont certains font cependant partie des « produits stratégiques », comme les tagliatelles, vendues à prix maximum autorisé, avec une marge à 27%.
Existe-t-il un effort de prix particulier pour privilégier le local, sur les rayons épicerie, et non alimentaire ?
Il n’y a pas de compensation de marge au bénéfice du local sur ces deux rayons. Les produits de nos fournisseurs locaux directs peuvent même être un peu plus chers que le local venant de notre plate-forme Biocoop, car nous ne bénéficions pas des remises fidélité et des économies d’échelle que nous offre la plate-forme. Il s’agit de productions paysannes ou artisanales, avec un coût de fabrication ou de production plus élevé, forcément plus chères, à l’achat, pour nous. Mais on va cependant toujours donner la priorité au local direct dans nos choix d’assortiment, de présentation et de signalisation des produits en magasins. Et la réflexion est en cours pour marger moins sur le local, sur ces rayons.
∧ Pour que le chiffre d’affaires reste au service du projet – développer l’agriculture bio, en priorité locale et paysanne- notre cahier des charges Biocoop impose que le taux de marge net comptable distribution ne dépasse pas 31,5%. A Scarabée, au 30 septembre dernier, nous étions à une moyenne globale sur l’ensemble des rayons de 30,5%. L’objectif est qu’une fois les différentes charges payées, restent à la coopérative 0,43% de résultat net avant impôt.
Ch€re bio, chap.2 – Boulangerie : où va le blé ?