Crise de la bio. Arnault Daligault est, avec sa compagne Céline, à la tête du « Coucou », une exploitation de maraîchage bio installée à Montreuil-le-Gast, au nord de Rennes depuis quinze ans. La ferme emploie trois personnes et produit légumes-fruits l’été et légumes-feuilles l’hiver. La production est vendue, à… Scarabée, sur le marché des Lices, par le biais de paniers et destinée à la restauration collective. Arnaud Daligault a occupé le poste de président d’AgroBio35 jusqu’au printemps dernier. Il en est aujourd’hui le vice-président. Voici son éclairage.
Conversion massive
« La bulle Covid est en train d’exploser. On a connu une forte hausse de la demande en produits bio jusqu’en 2020 (+10% cette année-là) qui a encouragé les coopératives bio à motiver les exploitants conventionnels à la conversion en bio, principalement dans le Nord, en Bretagne et dans le Sud-Est. Ces conversions étaient nécessaires et réfléchies. Un mouvement similaire a été observé dans la grande distribution où les coopératives conventionnelles ont, elles aussi, encouragé les conversions, mais sans les précautions d’usage, sans démarches « filières », sans se préoccuper de savoir si le marché était adapté à la production et s’il allait pouvoir absorber les volumes proposés.»
Surproduction Bio
Or dès la sortie du Covid, en juin 2021, la baisse a débuté : « elle était de -5,5% en 2021 et sera très probablement de -15% cette année. On se trouve avec une trop grosse production sur le marché par rapport à la demande qui a baissé de manière spectaculaire. Le cours des légumes a chuté un peu partout. Mais pas à Scarabée, où le prix d’achat de nos fruits et légumes est garanti. Il n’a pas évolué depuis des années, sinon à la marge et de manière peu importante. »
Augmentation des charges
« Nous sommes une structure modeste avec une mécanisation qui n’est pas la même que celle des grosses exploitations. On travaille beaucoup à la main. Malgré tout, notre facture d’électricité a plus que doublée (nous sommes passés de 350 euros tous les deux mois à 680 euros)… Les salaires de nos trois salariés ont été revalorisés. C’est impactant et ça diminue nos marges, mais ça ne nous met pas en péril. Pour l’instant. Parce que, si ça continue, chez moi et chez les autres, il y a un moment où ça va coincer.»
Lassitude et interrogations
« Ce qui ressort massivement de ce que j’entends lors de nos réunions ou rencontres, c’est une grande fatigue des exploitants liée à la charge mentale qu’occasionnent ces bouleversements : la gestion de la sécheresse de cet été qui a occasionnée une surcharge de travail, la baisse de consommation de nos produits, l’augmentation des charges et des matières premières… Nous évoluons dans un contexte angoissant pour tous. Ça va devenir très compliqué de pratiquer notre métier. Les éleveuses et éleveurs de porcs et de volailles se trouvent dans une situation catastrophique. Des dépôts de bilan dans la bio auraient un impact sur notre santé de manière générale en ouvrant la porte au retour des cultures conventionnelles et à leurs pratiques délétères. »
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