Quels sont les impacts des crises sur les prix ? Sécheresse cet été, automne particulièrement doux, crise de l’énergie, augmentation du coût des matières premières et grippe aviaire… La période est inédite, compliquée et versatile pour les fournisseurs de nos magasins. Tour d’horizon des difficultés rencontrées par nos producteurs et productrices, et commentaires sur les prix observés dans nos magasins.
Les impacts de la crise climatique et énergétique sur les prix des fruits et légumes ne sont pas forcément là où on les attend. Lucie Rembert, référente fruits et légumes chez Biocoop Scarabée, est quotidiennement en contact avec les producteurs qui fournissent les étals de nos dix magasins. Les retours qu’elle enregistre sont divers mais tous témoignent d’une désorganisation – et donc d’une fragilisation – de la filière. Ici, un arboriculteur a eu la mauvaise surprise de constater que les poires en devenir sont attaquées par des insectes ayant survécu à un hiver anormalement doux… Là, un maraîcher a vu ses salades attaquées par des nuisibles et les prix baisser du fait des températures élevées enregistrées en automne… Ailleurs, une surproduction de tomates bio face à une demande en berne a entrainé une chute des prix.
Fin novembre, radis, poivrons et tomates étaient encore présents sur les étals. Parallèlement, les choux qui pointent le bout de leur nez, prématurément et en force, voient leurs prix baisser. Tout comme la mâche, plus chère à l’achat du fait de la main-d’œuvre nécessaire à sa récolte, qui voit son cours s’écrouler. « La demande n’est pas là, commente Lucie. D’une part, les clients ne se décident pas à consommer les légumes d’hiver alors que l’offre d’été est toujours disponible. D’autre part, le budget alimentaire est l’un des premiers postes dans lequel on coupe en cas de crise. Dans le domaine des fruits et légumes, on a l’habitude de gérer rapidement les problèmes d’approvisionnement. Mais là, c’est un vrai casse-tête. Cet été, du fait de la sécheresse, les graines des poireaux et des carottes, par exemple, ont subi un stress hydrique. Il n’y en aura peut-être pas pour tout l’hiver. »
La solution : augmenter les prix ?
« Nos producteurs ont bien conscience que ce n’est pas la solution miracle, répond Lucie. Les Primeurs des 5 sens, par exemple, à Guipry-Messac, ne souhaitent pas augmenter leurs tarifs : leurs livraisons se font toutes en local. Ils ont constaté que leurs prix voisinent désormais avec ceux du secteur conventionnel qui doivent faire face à une augmentation plus importante de leurs charges.»
« D’une manière générale, nos fournisseurs qui produisent eux même leurs matières premières, fourrage pour les bêtes ou blé pour la farine, s’en sortent mieux que les autres, ajoute Kévin Franger, référent du secteur frais à Scarabée. Mais la plupart doivent cependant augmenter leurs prix, surtout ceux qui livrent quotidiennement, comme les boulangers, fragilisés par l’augmentation du prix des carburants. Nous ne pouvons que répercuter cette hausse dans les rayons. À plus long terme, on peut imaginer que les mauvaises récoltes de ces derniers mois risquent d’avoir un impact. Mais difficile de se projeter ».
La grippe aviaire en plus !
Chez les producteurs de volailles, le problème est triple. L’augmentation récente du prix des céréales a entrainé une répercussion importante des prix de la volaille, surtout quand on sait que la nourriture représente 60% du prix de l’animal in fine.
La crise de l’énergie s’est rajoutée avec une augmentation des factures de gaz. Pour permettre aux poussins de se développer dans de bonnes conditions, leur lieu de vie doit être chauffé à près de trente degrés les premières semaines. Un charcutier de Quévert anticipe une facture énergétique multipliée par sept en 2023. Il a déjà prévenu la coopérative qu’il n’allait pas pouvoir maintenir ses prix.
Troisième source d’inquiétude, la crise aviaire. Le bassin rennais reste placé en grande vigilance sur ce front là. Les volailles doivent être confinées jour et nuit. À Tinténiac par exemple, la ferme de Naot Breizh a dû réduire son cheptel pour rester dans les normes de 14 volailles par mètre carré, alors que, dans le même temps, les coûts d’exploitation restent quasi identiques.
La confédération Paysanne de Bretagne s’insurge contre ces confinements jugés arbitraires, inadaptées, inefficaces et unilatéraux. Dans un tract distribué à l’occasion d’une manifestation organisée le lundi 17 octobre devant La Criée-Marché central de Rennes, la Conf’ ne veut pas se résigner « à voir nos collègues renier leur mode d’élevage ou cesser leur activité sous la menace des sanctions, ni à voir des jeunes renoncer à leurs installations sur des systèmes plein-air». Et d’ajouter : « L’État aurait la volonté de faire disparaître l’élevage de plein air qu’il ne s’y prendrait pas autrement ».
Les secteurs des volailles (de chair et pondeuses) et de la viande de porc, animaux presque exclusivement nourris de céréales, se retrouve en grande difficulté et dans une impasse : une augmentation des prix prenant en compte leurs difficultés ne serait pas acceptable par le consommateur. « Face à ce genre de difficultés, la bio trinque immédiatement parce que nous ne bénéficions pas des mêmes aides que le secteur conventionnel, a constaté Arnaud Daligault, vice-président d’AgroBio35. Le prix de la Bio est très souvent déconnecté du travail des agricultrices et agriculteurs, mais aussi des prix du marché. »
Les augmentations des prix demandés par les éleveurs seront répercutées en magasin. « Nous nous sommes toujours attachés à réduire au maximum nos marges au rayon boucherie bio pour nous approcher de ce qui est proposé dans les boucheries de quartier, explique Mickaël Couedic, référent boucherie et charcuterie à Biocoop. Nous ne pouvons pas fournir d’effort supplémentaire ».
Le plus Biocoop
Face à l’augmentation du coût de la vie et l’incertitude générale, les clients Biocoop redoublent de vigilance et se reportent de plus en plus sur les «produits bleus », la marque de Biocoop. « Ils présentent un excellent rapport qualité/prix, précise Frédéric Leprêtre, responsable commerce. Ils font l’objet du même engagement concernant la qualité et la transparence que les autres produits présents dans nos rayons. Par ailleurs, et sur bien des produits, nous sommes moins impactés par la crise actuelle parce que nous travaillons en local autant que possible et en national dans la très grande majorité des cas. C’est le résultat d’un travail mené depuis des années, de recentrage de nos filières et de sécurisation de nos approvisionnements».
Moins touché par l’inflation
L’inflation au sein du réseau Biocoop (en moyenne, au niveau national) pour 2022 est de 4.5% contre 9% en GMS. Pourquoi l’inflation est-elle plus modérée au sein de notre réseau ? Trois grandes raisons se dégagent : le réseau travaille principalement avec des PME, des TPE et des ETI françaises, ainsi que quelques fournisseurs Italiens, Allemands et Espagnols. Ces entreprises, avec qui nos relations sont souvent historiques et où une grande confiance s’est nouée au fil des ans, augmentent moins leurs tarifs que les grandes multinationales de l’agroalimentaire. La deuxième raison est le fruit du travail d’approvisionnement en France, réalisé par Biocoop depuis ses débuts. A ce jour, 86% de l’offre Biocoop est origine France. Parmi cette sélection, 80% des matières premières des produits à marque Biocoop sont origine France, en majorité produits par les Paysan.nes Associé.es de Biocoop. De ce fait, ces produits ne sont pas concernés par les fluctuations des cours mondiaux et des variations des cours de l’Euro. Enfin, troisièmement, Biocoop a une structuration de coopérative avec des besoins financiers au global plus faibles que ceux d’une entreprise classique, notamment car il n’y a pas d’organisme supérieur à financer.
Si les prix de la bio ne peuvent pas être décorrélés du contexte actuel et de la réalité des producteurs et productrices, Biocoop comme Scarabée continuent de défendre leur projet d’une bio à prix juste; un prix qui permet aux producteurs et productrices de vivre, à la coopérative de perdurer et aux clientes et clients de consommer de la bio la plus accessible possible, même en temps de crise.
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Point de vue, Arnaud Daligault, maraîcher et vice-président d’Agrobio35
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